Entends ma voix : se parler à tête reposée six mois après SLĀV

15 janvier 2019

Maryse Legagneur, Véronique Lauzon et Arnaud Bouquet

 

Véronique Lauzon, journaliste culturelle à La Presse, fait partie des rares spectateurs à avoir assisté à la pièce SLĀV en juin dernier, la production du metteur en scène Robert Lepage et de la chanteuse Betty Bonifassi s’étant rapidement vue retirée de la programmation du Festival international de jazz de Montréal après s’être fait reprocher que les intervenants étaient presque tous des Blancs dans ce spectacle de chants d’esclaves noirs.

Six mois plus tard, aux côtés des réalisateurs Maryse Legagneur et Arnaud Bouquet, Véronique Lauzon présente Entends ma voix, un documentaire faisant état de cette crise qui heurte encore les sensibilités. Nous avons eu envie d’en savoir plus sur les motivations l’ayant poussée à ouvrir le dialogue entre les deux partis, soit les intervenants du spectacle SLĀV et les opposants les accusant d’appropriation culturelle.

 

Noémie C. Adrien : Comment l’idée du documentaire est-elle née?

Véronique Lauzon : La discussion a vraiment commencé avec Betty [Bonifassi]. Sa mère, qui vit en France, lisait mes articles au moment des événements et lui a recommandé de me parler. On ne se connaissait pas, mais elle m’a appelée pour me demander conseil sur ce qu’elle devrait faire avec tout ça. On s’est dit qu’il pourrait être intéressant qu’elle écrive une lettre dans La Presse, mais elle n’a pas eu envie que ça s’arrête là. Elle a voulu aller à la rencontre des gens, et c’est de là que l’idée du documentaire a germé.

 

Lorraine Pintal et Ricardo Lamour

NCA : Dans le documentaire, on assiste à des rencontres parfois tendues entre des représentants des deux clans; on pense à celle entre Lorraine Pintal et Ricardo Lamour, du collectif SLĀV Résistance, ou encore à celle entre Betty Bonifassi et Lucas Charlie Rose [l’organisateur de la manifestation qui a eu lieu devant le Théâtre du Nouveau Monde (TNM)]. Vous attendiez-vous à ce que leurs positions aient plus évolué après six mois?

VL : Je trouve que le fait de prendre le temps de se rencontrer témoigne déjà d’une ouverture incroyable. Comme journaliste, ça m’a beaucoup touchée de voir leur courage, leur désir que les réflexions se poursuivent et de travailler ensemble pour faire mieux. Juste ça, j’ai trouvé ça extraordinaire. Robert [Lepage] dit clairement qu’il se pose maintenant des questions qu’il ne s’était jamais posées, que le débat continue de mûrir en lui… Le fait qu’un des membres de SLĀV Résistance ait été consulté lors des nouvelles répétitions du spectacle démontre aussi cette ouverture.

 

NCA : Avez-vous l’impression d’avoir atteint l’objectif que vous vous étiez fixé au début du projet?

VL : Le but était vraiment que les gens se parlent dans le respect. Il fallait se comprendre et faire un pas. Je crois que ça a été fait et qu’il y a à présent un avant et un après-SLĀV. Ça va faire bouger les choses et on va continuer de réfléchir à ces questions-là. On avait aussi le désir de ne pas prendre position, de ne pas pencher d’un côté ou de l’autre, et d’après les commentaires reçus, on semble avoir réussi, ce qui est très rassurant.

Véronique Lauzon sera présente à la première de la deuxième mouture du spectacle SLĀV, le mercredi 16 janvier à Sherbrooke.

 

Il y aura rediffusion du documentaire Entends ma voixle mardi 15 janvier à 22h sur les ondes d’ICI ARTV.