Le Québec a des airs de cowboy

10 septembre 2018

Pour l'amour du country / ICI ARTV

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Les artistes westerns de la province font rarement la une des médias populaires. Pourtant, ils sont de véritables vedettes. À l’extérieur des grands centres urbains, le country fait vibrer les salles de spectacle et les festivals qui attirent de milliers d’adeptes. Nashville, tiens-toi prête : le Québec aussi arbore à merveille le chapeau de cowboy.

Depuis la sortie de son album Inspiration country en 2015, la chanteuse Guylaine Tanguay connaît un important succès. Tous ses opus qui ont suivi se sont hissés au sommet des palmarès des ventes québécois et plusieurs dizaines de représentations ponctuent son agenda jusqu’en 2020.

Cependant, aucune de ses chansons ne joue dans les radios commerciales. « Il n’y a rien de personnel là-dedans. C’est une business. Il y a des gens de la radio que je respecte qui m’ont déjà dit que ma musique ne jouera jamais et c’est correct », raconte-t-elle.

Guylaine Tanguay / Karine Dionne

Selon l’artiste native du Lac-Saint-Jean, le country ne cadre tout simplement pas avec l’image que souhaitent projeter les entreprises médiatiques les plus profitables du Québec, qui sont principalement localisées à Montréal et à Québec. Elles associeraient, pour la plupart du temps, ce style musical aux choses quétaines, aux chapeaux de cowboy et aux bottes de foin.

L’interprète de 45 ans se souvient avoir déjà suggéré aux radios commerciales certaines de ses compositions qui sonnent moins western. Ses tentatives n’ont toutefois pas porté des fruits. « Le mot country leur donne des boutons », dit-elle.

Le désintérêt de ces diffuseurs pour la musique country n’a pas de conséquences draconiennes sur la carrière qu’elle mène actuellement : ses fans remplissent les salles de spectacle dans plusieurs régions du Québec et ses disques sont de très bons vendeurs.

Cependant, il lui aura fallu près de 30 ans avant de se faire remarquer par le grand public québécois. Avant l’explosion de sa carrière en 2015, qui lui a notamment permis d’être invitée sur différents plateaux de télévision, Guylaine Tanguay parcourait pourtant déjà le monde avec sa musique.

Guylaine Tanguay / Karina Dionne

Une question démographique

À seulement quelques heures de Montréal, la scène western jouit, quant à elle, d’un tout autre traitement. « Plus tu vas loin, plus tu es de taille comme artiste country. Les gens chantent parfois tellement fort devant nous que nous ne pouvons pas nous entendre. Le country, en région, c’est un véritable phénomène », avance l’artiste, qui a été nommée interprète féminine de l’année au Gala country 2017.

Le Festival western de St-Tite, qui bat son plein à l’heure actuelle, illustre judicieusement la situation. Plus de 600 000 personnes sont attendues cette année. L’an dernier, plus de 699 529 festivaliers avaient participé à l’événement et près de 20 % des participants étaient natifs de la Mauricie, représentant près de 140 000 personnes.

Le protégé de Laurence Jalbert, Tommy Charles, parcourt depuis quelques mois le Québec aux côtés de cette icône western, à l’occasion d’un spectacle intitulé Laurence Jalbert présente Tommy Charles. Il travaille également sur ses projets musicaux à Nashville et prochainement en Californie.

Tommy Charles / Photo : Gaétan Brunelle

Tout comme Guylaine Tanguay, le chanteur de 23 ans remarque une discordance claire entre le degré de popularité du country en ville et celui en région. « Je pense que les préjugés existent pour les mêmes raisons qu’ils sont présents entre les gens des milieux urbains et ceux de la campagne », dit-il.

À son avis, la culture musicale montréalaise serait, en quelque sorte, plus élitiste. Les mélomanes de la métropole s'intéresseraient davantage à la musique dite savante, telle que le jazz, et considéreraient généralement le country comme étant kitsch.

« Quand j’étais au secondaire, ce n’était pas vraiment cool de dire que tu aimais Kenny Rodgers. Alors, je me suis embarqué dans le rock, comme tous les jeunes qui se partent un groupe au secondaire », se rappelle Tommy Charles.

Laurence Doire Country Band / Courtoisie Laurence Doire

Laurence Doire, véritable étoile montante de la scène country québécoise, abonde dans le même sens. « C’est sûr qu’il y a beaucoup de gens qui me jugent. [...] Je me fais souvent demander pourquoi je ne fais pas de la pop », mentionne-t-elle. Délaisser le country relève néanmoins de l’impossible pour la chanteuse native de l’Abitibi-Témiscamingue.

Le country, près des gens

Le regard méprisant que certains portent sur ce qu’on surnomme le « blues des Blancs » ne gêne pas les artistes rencontrés. Ils partagent, au contraire, tous une fierté envers leur communauté artistique, qu’ils définissent comme rassembleuse, festive et surtout sincère.

« Au Québec, notre public est vrai. C’est dur d’être plus humain et naturel qu’un amoureux du country », estime Guylaine Tanguay. Selon elle, les adeptes de cette scène démontrent moins de retenue : ils n’ont pas peur de démontrer leur joie ou leur peine.

« C’est tellement un bel univers. C’est tellement festif. Tu ne peux pas être triste en écoutant du country et c’est ce que j’aime de cette musique », croit quant à elle Laurence Doire, qui lancera son premier album, Soirée du Nord, pendant le Festival western de St-Tite.

Patrick Normand / Les musiques de Patrick

Tout l'automne, ICI ARTV célébrera l'univers du country, et ce, à compter de ce soir. Dès 20 h 30, la chaîne présentera le documentaire Les musiques de Patrick, un reportage d'une heure sur la carrière de Patrick Normand. La seizième saison de Pour l'amour du country débutera quant à elle le premier décembre.