Plus que jamais du théâtre hors des grands centres

19 janvier 2018

Finie l’époque où l’amateur de théâtre vivant en région se désolait d’une offre chétive. Les grands théâtres montréalais sortent de plus en plus de leurs murs, à commencer par le TNM qui parcourt le Québec cet hiver et ce printemps avec les pièces Vu du pont et Les fourberies de Scapin. Coup d’oeil sur les tournées en cours et à venir.

Trois-Rivières, Drummondville, Sherbrooke, Granby, Laval, Gatineau et Rimouski : voilà toutes les villes qui recevront la visite de la troupe de Vu du pont, production applaudie à Montréal en novembre dernier. La pièce d’Arthur Miller, mise en scène par Lorraine Pintal et mettant en scène François Papineau et Mylène Saint-Sauveur, a soufflé une critique unanimement impressionnée par le jeu des acteurs. Dans ce théâtre réaliste américain, dans la plus pure tradition du genre, la tragédie de l’homme ordinaire et la quête du rêve américain sont sublimées par une écriture habile et par un récit criant de vérité.

Une scène de Vu du pont / Crédit: Yves RenaudUne scène de Vu du pont / Crédit: Yves Renaud

Dès le 28 février, le TNM prend aussi la route avec sa production des Fourberies de Scapin. La pièce de Molière passe au filtre de Carl Béchard, un grand acteur comique de chez nous, qui dirige un autre grand acteur comique, celui-là moins présent au théâtre parce que trop occupé à la télé : nul autre qu’André Robitaille. « C’est le grand rôle de ma vie », a-t-il répété en entrevue ces derniers jours. Personnage mythique, Scapin va effectivement lui demander une énergie implacable et un sens irréprochable du timing. Parions que de Sherbrooke à Gatineau, en passant par Terrebonne et Laval, les foules vont se précipiter. L’horaire complet de la tournée est par ici.

Race

Une pièce de l’Américain David Mamet, grand maître dialoguiste et observateur méticuleux des mécanismes les plus insidieux du capitalisme, est toujours un événement. Au Québec, on sait particulièrement bien traduire, dans une langue vernaculaire punchée, le vertigineux ping-pong verbal que certains appellent le « mametspeak », une forme théâtrale que l’auteur de Chicago peaufine sans relâche depuis plus de 30 ans. Race, l’une de ses pièces les plus récentes, jette un regard grinçant sur les tensions raciales et le sexisme ordinaire, tout en racontant un monde corporatiste dans lequel ces problèmes sont exacerbés. L’intrigue, qui rappelle en partie l’affaire DSK, a d’ailleurs des échos puissants en plein cœur du mouvement #metoo. Portée avec efficacité par les acteurs Benoît Gouin, Frédéric Pierre, Henri Chassé et Myriam De Verger, la production de Duceppe pourra être vue au cours des prochains mois dans les couronnes montréalaises, mais aussi à Gatineau, Trois-Rivières, Joliette et Québec. Détails de la tournée ici.

Frédéric Pierre et Benoît Gouin dans Race / Crédit : Caroline LabergeFrédéric Pierre et Benoît Gouin dans Race / Crédit : Caroline Laberge

La mort d’un commis voyageur

Encore du théâtre américain? Les auteurs des États-Unis auront en effet la cote sur les scènes régionales au cours des prochains mois. Mis en scène par Serge Denoncourt, le classique d’Arthur Miller sera présenté notamment à Gatineau et à Shawinigan, où de nombreux spectateurs iront applaudir Marc Messier dans l’un de ses rôles les plus importants en carrière. Son interprétation de Willy Loman, canonique personnage de père de famille aux aspirations ambitieuses, a été considérée remarquable par la plupart des critiques qui ont vu les représentations montréalaises au Théâtre du Rideau Vert.

Le déclin de l’empire américain

L’idée est audacieuse : adapter pour le théâtre ce classique cinématographique québécois des années 1980 et en faire une nouvelle oeuvre campée en plein coeur des années 2010. La production du Théâtre PÀP, coproduite par l’Espace Go, est l’oeuvre de Patrice Dubois et Alain Farah, d’après le scénario de Denys Arcand. Sexe, géopolitique et désillusions animent toujours la conversation, mais les intellectuels quarantenaires de cette pièce, « loin de constituer la même élite qu’autrefois », amènent la discussion vers d’autres chemins. La production sillonnera un vaste territoire cet hiver, passant notamment par Chicoutimi, Gaspé, Rouyn-Noranda, et plus encore.

Marie-Hélène Thbault, Dany Boudreault et Sandrine Bisson (à l'avant-plan), dans Le déclin de l'empire américain / Crédit: Claude GagnonMarie-Hélène Thbault, Dany Boudreault et Sandrine Bisson (à l'avant-plan), dans Le déclin de l'empire américain / Crédit: Claude Gagnon

J’aime Hydro

Si vous n’avez pas encore entendu parler de cette pièce documentaire portée à bout de bras par la comédienne Christine Beaulieu, c’est que vous avez passé la dernière année en profonde hibernation. Lauréate du Prix de la critique et du Prix Gratien-Gélinas, cette grande enquête sur la surproduction d’hydroélectricité pose des questions environnementales et économiques passionnantes, qui vous feront observer Hydro-Québec avec un regard amoureux, mais férocement critique. Le spectacle pourra être vu en 2018 par le public du Bic et de Carleton-sur-Mer, mais aussi Châteauguay, Trois-Rivières et St-Jérôme. On vous aura prévenus.

Des arbres

Faire des enfants, est-ce anti-écologique? Est-ce un geste égoïste? Et si tout le monde n'y était pas profondément destiné? Voilà les grandes questions que se posent les personnages de cette pièce de l'auteur britannique Duncan Macmillan, un couple soudainement bousculé par une intense discussion en plein stationnement du IKEA. Dans une langue rythmée et incisive, cette production du Théâtre de la Manufacture envisage le couple à l'aune de sa responsabilité sociale. De janvier à mai, cette pièce sillonnera le Québec entier, de Jonquière à Drummondville en passant par Rimouski et Baie-Comeau.

Evelyne Gélinas et Maxime Denommée interprètent la pièce Des arbres en tournée Evelyne Gélinas et Maxime Denommée interprètent la pièce Des arbres en tournée

Et vous, qu'irez-vous voir sur scène cet hiver?