Nyotaimori : l’art perdu de ne rien faire

24 janvier 2018

Photo: Valérie Remise

Photo: Valérie Remise

Le nyotaimori réfère à un rituel japonais qui consiste à manger des sushis sur le corps d’une femme nue. Un choix de titre de prime à bord singulier pour cette pièce de Sarah Berthiaume qui n’a rien d’érotique et qui s’intéresse plutôt au rapport au travail dans notre société.

Maude (Christine Beaulieu) pratique un métier typique de sa génération : elle se décrit comme étant journaliste-rédactrice-recherchiste-réviseure-chargée de projets-gestionnaire de communautés. En bref, elle est pigiste. Un métier de rêve? Bien que plusieurs envient la soi-disant liberté des pigistes, les principaux intéressés connaissent bien le caractère insidieux du travail autonome, où la ligne entre la vie professionnelle et personnelle est mince et les frontières, floues…

Prise de court par une avalanche de rédaction, de correction et de propositions qu’elle ne peut tout simplement pas refuser, Maude annonce à sa copine (Macha Limonchik) qu’elle devra travailler lors du roadtrip à la Thelma et Louise qu’elles ont prévu pour les vacances. Le départ de sa copine, qui en a plus qu’assez qu’elle lui fasse le coup, mêlé à l’épuisement de ses nuits blanches passées à écrire mènera Maude à sombrer dans un délire à mi-chemin entre rêve et réalité.

Photo: Valérie Remise

Photo: Valérie Remise

Dans cet univers parallèle décalé, elle fera la rencontre inusitée d’une travailleuse de sweat shop indienne et d’un ouvrier japonais employé dans une usine de montage Toyota (Philippe Racine). Qui est le plus libre entre cette femme exploitée, ce bourreau de travail et Maude qui rédige pendant 30 heures d’affilé en échange de « visibilité » (une devise courante chez les pigistes)?

On constate que la réponse n’est pas si évidente et la notion de liberté, bien relative. Et si celles qui avaient tout compris étaient les femmes qui s’adonnent au Nyotaimori? Ces femmes qui se réduisent au rôle de table, au délicieux rôle de ne rien faire, où l’on n’attend d’elles rien d’autre que d’« être ». Une pièce brillante et pleine d’esprit qui fera particulièrement écho aux travailleurs autonomes, mais qui saura résonner chez tout autre spectateur.

 

À voir au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 3 février.