Rencontre avec Fabian Saul, éditeur en chef du magazine Flaneur

28 avril 2014

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À l'heure du numérique et des nouvelles technologies, le magazine Flaneur fait classe à part. Tirant ses racines au coeur même de la ville de Berlin, la jeune publication artistique et bi-annuelle ne cesse de faire parler d'elle.

Le concept qui s'y rattache est unique: chaque édition est basée sur une rue spécifique dans une ville choisie par les cinq jeunes créateurs - Ricarda Messner, Fabian Saul, Grashina Gabelmann et les deux graphistes Michelle Philipps et Johannes Conrad - tous dans la vingtaine. Ensemble, ils recréent subjectivement l'essence, la spécificité et l'aura de celle-ci à travers ses pages.

Après la rue Kantstrasse à Berlin et Georg-Schwarz-Strasse à Leipzig, les voilà à Montréal depuis mars, au coeur de la rue Bernard, afin d'en décortiquer chaque fragment, parcelle et histoire.

C'est autour d'un café que j'ai rencontré l'éditeur-en-chef, Fabian Saul. Au menu: l'enjeu derrière l'impression papier,  la piqûre pour Montréal et les longues marches sur la rue Bernard. Entrevue.

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Marie-Ange: Comment a débuté le projet?

Fabian Saul: Le projet a débuté autour de la fondatrice, Ricarda qui a eu l'idée de faire un magazine sur une rue. Puis [l'éditrice] Grashina, qui me connaissait déjà, s'est jointe et m'a introduit dans le projet. Au début nous n'avions pas vraiment de concept. Mon travail et celui de Grashina a donc été d'en créer un et de rallier différents médiums pour faire un produit concret. Nous avons par la suite contacté les graphistes Johannes Conrad et Michelle Philipps. C'est un travail d'équipe: tout le monde est  impliqué dans le processus de création. Pour nous, il était important d'avoir une ligne directive. Flaneur n'est pas un guide de voyage, on ne prend pas le lecteur par la main pour lui montrer les meilleurs restaurants de sushi à Montréal, il serait déçu! (Rires).

M-A: Pourquoi avoir choisi la rue Bernard?

F.S: En fait nous avons reçu une invitation de l'institut Goethe qui a vu nos éditions précédentes. Nous avons choisi la rue Bernard un peu par hasard. La fondatrice Ricarda était venue en octobre dernier à Montréal et s'est retrouvée sur cette rue. Elle a tout de suite aimé la complexité des lieux, le mélange de cultures que l'on y trouvait. En général, nous essayons de suivre cette tangente instinctive. Par exemple pour l'édition de la rue Georg-Schwarz-Strasse à Leipzig, nous avons choisi cette rue parce que nous ne l'aimions pas, elle nous intriguait et nous effrayait en même temps! On voulait explorer ce côté-là. 

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« Pour comprendre la rue, il faut d'abord comprendre la ville. »

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M-A: Comment se déroule la collecte d'informations? 

F.S: Nous commençons toujours par la rue elle-même; les commerçants, les gens que l'on croise au hasard dans la rue, les gens qui vivent sur la rue. Une part importante de la recherche se fait en passant le plus de temps possible à l'endroit, c'est pourquoi nous avons choisi de rester deux mois.

L'aspect contextuel de la rue nous intéresse également beaucoup. Pour comprendre la rue, il faut d'abord comprendre la ville. Nous avons donc lu énormément de livres sur Montréal, des livres d'histoire, de littérature, ainsi que des films, histoire d'avoir une idée du lieu. Pour cette publication sur la rue Bernard, nous sommes allés à la rencontre du directeur du Théâtre Outremont, ainsi que plusieurs autres figures comme le propriétaire d'une boutique située sur Bernard depuis très longtemps. Nous essayons vraiment de comprendre les choses, c'est pourquoi nous y allons en profondeur en créant des liens avec les gens. Cette édition sur la rue Bernard sera très subjective en ce sens.

M-A: Quel est ton parcours, en tant qu'éditeur du magazine?

F.S: Au départ, j'ai commencé comme collaborateur à l'écriture. Ce qui m'allume, ce sont l'écriture, les arts visuels et la musique, que j'essaie de combiner dans le magazine en tant qu'éditeur. Je participe également à divers projets musicaux pour le cinéma et la télévision et je collabore avec d'autres magazines à l'écriture à Berlin. En général, nous sommes tous des freelancers chez Flaneur.

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M-A: Pourquoi avoir choisi de faire un magazine papier? 

F.S: Je pense que chaque médium est fort lorsqu'il a du contenu pertinent qui s'y rattache. Nous avions une idée et ça a toujours été de faire un magazine papier. Le choix du papier s'est imposé comme quelque chose de naturel, qui allait de soi. Je ne pense pas que ce type de projet fonctionnerait en ligne, cela n'aurait pas le même effet, ni le même impact. En art, l'important est de trouver l'élément manquant parmi différents fragments et c'est ce que nous essayons de faire avec Flaneur.

M-A: Que remarques-tu en premier lorsque tu découvres une rue pour la première fois?

F.S: La première chose que je fais en découvrant une rue, c'est de prendre quelques clichés avec mon appareil photo. J'effectue une longue marche, partant du début jusqu'à la fin de la rue. Je pense que ce qui m'accroche avant tout ce sont les couleurs. Comme à Montréal, ce qui m'a d'abord accroché, c'est la couleur du ciel qui est très différente de celle de Berlin! Sur la rue Bernard, je me suis intéressé aux couleurs du quartier, les bâtiments. Parallèlement, je me suis rendu compte que la symbolique des couleurs étaient très importante dans l'histoire du Québec en général, comme le bleu ou encore le rouge qui veulent dire beaucoup. C'est assez intéressant sur le plan artistique.

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M-A: En un mot, comment décrirais-tu le magazine Flaneur?

F.S: Nomade, fragmenté, révélateur. Ça en fait trois par contre! (Rires).

M-A: Quelle sera la prochaine ville?

F.S: Rien n'est encore confirmé mais ce sera probablement une ville en Italie ou sinon en Belgique.

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 L'équipe de Flaneurest retournée à Berlin en fin de semaine dernière afin de finaliser la publication. Ils seront de retour dans la métropole à la mi-juin pour le lancement de l'édition de la rue Bernard.

Crédits photo: gracieuseté de Flaneur.