Cinq filles dans La ville

5 février 2014

BlogueLavilleVendredi, quatre de mes amies et moi avons vécu une soirée comme il y a longtemps que nous n’en avions pas eue. Et comme il y en a de trop rares dans un hiver qui réduit les occasions festives de se retrouver. Toutes réunies enfin, malgré les vies aux obligations diverses de chacune, malgré les agendas on-ne-peut-plus remplis, avec pour motif premier d’aller voir la représentation de la pièce La ville de Martin Crimp, mise en scène par Denis Marleau et Stéphanie Jasmin avec Sophie Cadieux, Alexis Martin et Evelyne Rompré à l’Espace Go.

Après avoir bu une pinte, mis à jour nos dernières actualités personnelles et avalé à la va-vite un sandwich, nous sommes arrivées à l’Espace Go, juste à temps pour la représentation et sans avoir pu lire le programme présentant la pièce.

C’est donc vierges de toute indication que nous nous sommes retrouvées plongées dans La ville.

La scène s’allume sur le couple de Clair et Christopher (Sophie Cadieux et Alexis Martin qui déploient ici toute une palette de leur talent de jeu) qui se retrouvent chez eux, après une journée de travail. Clair et Christopher échangent sur un ton désincarné ce qu’ils ont vécu dans la journée. Figés dans leur attitude, comme pris dans un mécanisme du quotidien, ils se font pourtant part l’un et l’autre de faits qui vont marquer leur vie pour les prochains mois à venir.

Lorsqu’ils communiquent entre eux, les personnages sont seuls. Seuls avec eux-mêmes. Tellement seuls. C’est lorsqu’ils se lancent dans le récit détaillé de l’événement qu’ils ont vécus qu’ils s’animent, qu’ils se transfigurent (magistralement !) et, lorsque le récit s’achèvent, leur exaltation retombe face à la vacuité de leur interlocuteur qui, seulement centré sur ses propres préoccupations, réagit de manière laconique, par une réplique qui révèle une totale absence de compassion, voire carrément absurde.
Le malaise s’installe alors, malaise subtil, latent mais bien réel.

806144-ville-martin-crimp-piece-difficile

La voisine du couple débarque (Evelyne Rompré, inquiétante et ‘’borderline’’ à souhait) et la pièce prend une autre tournure, une nouvelle dimension. Elle aussi veut parler, faire part de ce qu’elle vit, exprimer son mal-être d’infirmière insomniaque dont le mari médecin parti à la guerre lui a laissé les récits des horreurs de ce qu’il vit dans son quotidien à lui.

Cette fois, c’est la folie qui est sous-jacente. Et les mots, les mots lancés sans être rattrapés, sont autant de maux qui violentent, envahissent la vie, La ville. La ville de Clair. Celle qu’elle rêvait d’écrire.
Autant vous dire que la pièce se termine et que vous êtes sonnés. Comme K.O de ce que vous venez de voir, d’entendre… et de ne pas comprendre. Mes amies et moi nous sommes rejointes à la sortie du théâtre, les yeux interloqués, un point d’interrogation presque visible au-dessus de nos têtes… et une furieuse envie de se retrouver autour d’un verre (de fort cette fois !) pour jaser de tout ça!

Ô gin fizz bienvenu et inspirant! Ô chères amis aux goûts théâtraux et aux sensibilités tellement diversifiées ! Ô Crimp, à la dramaturgie résolument moderne et acérée ! Quelle belle soirée passée avec vous.